top of page

L’ÉCONOMIE RÉGÉNÉRATIVE APPLIQUÉE AU TEXTILE

Paul Lenglet

L’AFNOR Spec pour une ’économie régénérative à l’honneur sur le salon Impact Who’s Next.

Pour bien comprendre ses enjeux pour le secteur textile Fashion Revolution France a organisé une table ronde modérée par Catherine Dauriac avec Isabelle Delannoy, Marie Demaegdt, Sophie Inard, Victoire Lesthevenon, représentant les divers filières de nos fibres naturelles nationales (Lin,Chanvre, Laine, Paille de Riz) et leur potentiel régénératif.


Pour ouvrir le débat, Isabelle Delannoy, présidente de l’Entreprise Symbiotique - rôle clé dans la réalisation de cette AFNOR SPEC. Forte de ses 25 années d’expertise, elle est aussi l’auteure de L’Économie Symbiotique, un ouvrage qui propose une synthèse des nombreuses techniques et recherches mises en lumière ces dernières années : permaculture, économie circulaire, économie de la fonctionnalité, économie du partage, économie sociale et solidaire, monnaies complémentaires…


Lors de son intervention, Isabelle Delannoy nous explique les bases de cette économie et son application concrète. Selon elle, « L’économie régénérative ne vise pas à la décroissance,

C’est une économie d’une autre croissance…c’est la croissance d’un écosystème. L’économie de demain existe déjà ». Cette AFNOR SPEC a pour objectif d’amplifier le déploiement de cette économie au service de la vie, humaine et non humaine.


Mais qu’est-ce qu’une spécification AFNOR ?

Il s’agit d’un texte définissant les bases de l’économie régénérative, un premier pas vers une norme AFNOR. Cette spécification s’adresse à toutes les organisations souhaitant y contribuer : entreprises, administrations, collectivités, associations, ONG, acteurs de la science, de la culture et bien d’autres encore.

Pour mieux comprendre cette démarche, revenons d’abord sur la définition officielle de l’économie régénérative, issue d’un groupe de travail regroupant tous les secteurs de l’économie pendant 6 mois :


C’est un modèle d’activités qui agit pour l’intégrité du vivant – humain et non humain – en soutenant la vitalité des écosystèmes écologiques et sociaux avec lesquels il co-construit dans une spatialité définie. Sa création de valeur se distingue par une prospérité écologique, sociale et économique, tout en intégrant un renouvellement continu, en qualité et en quantité, des matériaux, de l’énergie, des ressources naturelles et des capacités vivantes.



De l’Extraction à la Régénération
De l’Extraction à la Régénération

Dans la continuité de cette table ronde, d’autres intervenantes ont également partagé leur expertise et leur vision, chacun apportant un éclairage unique sur cette démarche novatrice.


Le lin, grande culture française


Marie Demaegdt, directrice textile et développement durable pour l’Alliance du Lin et du Chanvre Européen, nous offre un éclairage précieux sur la filière du lin, un secteur à la fois traditionnel et résolument tourné vers l’avenir.


L’Europe est aujourd’hui le premier producteur mondial de lin, assurant 75 % de la production globale, grâce aux récoltes issues de France, Belgique et Pays-Bas. L’Alliance du Lin et du Chanvre Européen représente 16 pays et regroupe plus de 10 000 entreprises.

Son rôle, informer, défendre et promouvoir cette filière d’exception.


Le lin, matière exigeante, se développe dans des conditions climatiques très spécifiques, mêlant humidité et températures modérées. Bien qu’elle ne représente que 0,5 % des fibres mondiales, cette filière est toutefois un modèle en matière de pratiques agricoles. Favorable aux sols et peu consommatrice d’intrants phytosanitaires, elle s’inscrit dans une démarche durable et respectueuse de l’environnement.


Liniculteur dans son champ
Liniculteur dans son champ

Marie Demaegdt a cependant tenu à souligner l’importance d’une approche humble et évolutive :

« Nous ne nous disons pas régénératifs. C’est une expérimentation continue, une réflexion sur le chemin et la trajectoire à prendre. Il ne s’agit pas de faire du copier-coller, mais d’aller vers une activité positive, où la coopération est essentielle. Le lin ne prétend pas « être une fibre régénérative » ou avoir déjà toutes les réponses mais l’Alliance, avec ses adhérents et un réseau d’expertises dont agronomiques (comme Arvalis, institut du végétal) poursuit ses travaux et recherches. »


Elle évoque également le concept de co-construction, illustré par des initiatives comme les certifications Masters of Linen et European Flax, qui mettent en avant une démarche collective à l’échelle européenne.


Le lin et le chanvre, particulièrement dépendants des conditions climatiques, incarnent un équilibre entre tradition et innovation. Leur transformation repose sur l’assemblage judicieux des fibres au moment de la filature, donnant naissance à des fils d’une qualité constante, une caractéristique importante pour les marques de mode.


Le chanvre et la laine, trésors occitans.


Ensuite, Sophie Inard, directrice marketing de Virgocoop et artiste textile, nous permet de découvrir une initiative novatrice et engagée. Virgocoop, entreprise à mission une coopérative citoyenne (SCIC), repose sur un modèle unique soutenu directement par les citoyens-sociétaires.

L’entreprise comptabilise à ce jour 400 sociétaires, dont vous pouvez faire partie.

L’objectif ? Développer une dynamique de régénération autour de quatre axes principaux : l’aspect social et écosystémique, en explorant et en renforçant les liens humains et environnementaux; la préservation des savoir-faire et leur transmission aux générations futures; l’intégration des consommateurs dans les décisions, notamment à travers des assemblées générales, garantissant transparence et participation active; enfin, le chanvre et la laine comme matières premières.


Sophie Inard souligne l’importance de travailler en éco-système, en remontant une filière textile pour collaborer avec tous ses maillons : de la filature au tissage, en passant par la confection. L’un des objectifs majeurs de Virgocoop est de lever l’opacité qui entoure le secteur, en le rendant plus éthique et transparent.


La France bénéficie d’un gisement important et abondant de chanvre. Contrairement à certaines idées reçues, cette ressource n’a jamais disparu du territoire, avec des applications pour l’éco-construction. Son utilisation pour le secteur textile est cependant en plein renouveau.


Avec des atouts agricoles considérables, le chanvre s’intègre dans une rotation des cultures sur 5 ans, nécessitant peu ou pas de produits chimiques ni d’irrigation. En prime, il régénère les sols, augmentant même les rendements des cultures suivantes d’une année sur l’autre. Grâce au soutien des sociétaires et des banques, Virgocoop a pu inaugurer une usine de défibrage dédiée au chanvre dans le sud de la France, « un événement inédit depuis plus d’un siècle ».


Virgocoop valorise également la laine locale, notamment celle des brebis Lacaune en partenariat avec Atelier Tuffery. La transformation de la laine (Tri, Lavage, Cardage) est opérée dans le sud de la France. En collaboration avec des partenaires français comme Lavage du Gévaudan – dernier site de lavage de laine en France, situé en Lozère – la coopérative s’efforce de redonner à cette ressource naturelle toute sa place dans l’industrie textile.



Sneakers en Mesclat by Ubac x Virgocoop
Sneakers en Mesclat by Ubac x Virgocoop

Dans une démarche d’innovation, Virgocoop propose des produits uniques issus du mélange de chanvre et de laine, comme des chaussures ou des jeans. Ce textile, baptisé Mesclat, incarne leur vision d’une filière alliant savoir-faire traditionnel et modernité. C’est un mélange intime entre laine et chanvre occitans composé de 55% de laine et de 45 % de chanvre, 100% français et produit dans un périmètre restreint dans le sud de la France avec Ubac


Avec un siège social à Cahors, Virgocoop se positionne comme un acteur clé dans la transition vers une industrie textile durable, transparente et régénérative.


La paille de riz : une fibre hybride et des innovations textiles


Victoire Lesthevenon, designer textile tout juste diplômée de l’ENSCI, a captivé l’audience en présentant ses travaux autour de la fibre de riz. Avec une solide expérience dans la filière de la laine – de la fibre au fil dans une approche territoriale – et des voyages marquants à Séoul et à Taïwan, elle s’est spécialisée dans la recherche et la mise en valeur de matériaux innovants et durables. Ancrée dans une démarche de valorisation des ressources locales, Victoire Lesthevenon propose une réinvention de la fibre textile à partir de matières premières souvent négligées. En tissant du chanvre, du lin et de la fibre de riz, elle ouvre la voie à des innovations qui allient durabilité, technicité et respect de l’environnement.


Lors de son séjour à Taïwan, elle découvre le potentiel de la paille de riz, utilisée localement pour préserver les espaces verts grâce à ses propriétés naturellement isolantes et imperméables. En France, Victoire s’est tournée vers les rizières de Camargue, où la paille de riz, riche en silice, constitue une ressource précieuse. Photo des arbres emmaillotés.


Protection des arbres en paille de riz/ Corée
Protection des arbres en paille de riz/ Corée

Victoire explore les possibilités d’hybridation entre la paille de riz et d’autres fibres végétales comme le chanvre et le lin. La fibre de riz est naturellement imperméable, capable de remplacer les fibres chimiques, dont le polyester.

En plus de ses propriétés isolantes, la paille de riz offre des opportunités uniques dans le domaine de la teinture. Une fois brûlée, elle produit une cendre qui peut être revalorisée pour obtenir des teintures naturelles, élargissant ainsi son champ d’application dans le design textile.


À travers ses recherches et ses créations, Victoire invite à repenser l’industrie textile en s’inspirant des matériaux naturels et en redonnant vie à des savoir-faire anciens adaptés aux enjeux contemporains.


Ces interventions ont illustré la richesse et la diversité des approches autour de l’économie régénérative appliquée au textile. Isabelle Delannoy a posé les bases théoriques d’un modèle alliant prospérité économique et respect du vivant, tandis que Marie Demaegdt a montré comment la filière lin incarne déjà ces principes à travers des pratiques agricoles durables et coopératives. Sophie Inard, avec Virgocoop, a présenté une démarche citoyenne et transparente visant à revitaliser des ressources locales comme le chanvre et la laine, et Victoire Lesthevenon a offert une vision novatrice en hybridant la fibre de riz avec d’autres matières naturelles pour répondre aux enjeux de durabilité.


Ensemble, ces initiatives démontrent que l’économie régénérative est une réalité en co-construction, portée par des démarches collaboratrices et innovantes qui réinventent l’industrie textile tout en respectant les écosystèmes.


Retrouvez l’intégralité de la table ronde et des échanges sur notre chaîne YouTube, ainsi que le l’intégralité du dossier de cette AFNOR Spec mis à disposition gracieusement. Ce document comprend une clarification de la notion d'économie régénérative et du vocabulaire s'y rapportant mais aussi des principes et méthodes d'application, via le lien suivant:



Bibliographie:


 
 
 

Comments


Recevez notre newsletter

Une fois par mois, pas plus, promis !

Merci de vous être abonné·e !

© 2024 Fashion Revolution France — Mentions Légales

  • Instagram
  • Facebook
  • Bluesky_logo_black
  • LinkedIn
  • YouTube
bottom of page