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Chloé Balta

PROTÉGER LE MADE IN ITALY 2/3



Symbole de savoir-faire et d'excellence, le "Made in Italy" est aujourd'hui sous assaut. Dans un contexte de mondialisation effrénée et de fraude organisée, l'État italien engage un bras de fer contre les réseaux de contrefaçon qui exploitent l'image de luxe italienne. Or, malgré les efforts des autorités, la route de la contrefaçon, de Prato jusqu'aux ports asiatiques, continue de menacer l'avenir d'une identité industrielle unique et convoitée.

 

Qu’est-ce que le Made in Italy ?

Sanctuaire des chefs-d’œuvre de l’Antiquité, cœur des innovations de la Renaissance, passage obligé du Grand Tour et chemin vers l’Orient, l’Italie a été parcourue, rêvée ou fantasmée par les lettrés, les artistes et les élites politiques. Dans les années 1980, le récit du Made In Italy s’impose comme une « architecture de valeurs » alors que le pays traverse de graves crises économiques et politiques. L’objectif : requalifier la production de quatre secteurs clefs de l’économie italienne, l’alimentation, la mode, le design, et l’automatisation. Il faut rendre l’Italie attractive à l’étranger en usant du capital symbolique de la Renaissance, de l’artisanat, du cinéma et de l’environnement. En passant par le film Le Parrain jusqu’aux devantures Gucci, l’entrepreneuriat italien a capitalisé sur la désirabilité d’une vision fantasmée de l’Italie. L’image est glamour et attire les convoitises pour son potentiel économique. « La Chine a flairé le potentiel de ces produits et les zones grises du droit italien, qui permettent de contourner les lois ou de frauder ». Aujourd’hui, alors que la mondialisation des marchés a entrainé des délocalisations massives, la péninsule bataille pour se réapproprier le lucratif Made In Italy.

 

Lutter contre le « MadeInWashing »

Le 20 décembre 2023, l’Italie célèbre l’adoption de sa première loi dédiée au « Made In Italy » visant à soutenir et promouvoir « l’excellence productive et le patrimoine culturel »du pays. Contre l’étiquette bon marché « Made In China », l’Italie se bat pour préserver ses compétences artisanales et impulser une croissance économique dynamique. Elle doit se battre pour redorer son blason contre les risques réputationnels. Neuf mois après son entrée en vigueur, 2 357 cas d’application concrète ont été enregistrés. Des sièges locaux estampillés« Made In Italy » sont inaugurés dans tout le pays — le dernier datant de juillet 2024 à Naples. Délégation de compétences aux tribunaux locaux, utilisation d’agents infiltrés et de technologies blockchain pour identifier les chaînes d’approvisionnement… : les tentatives de création de synergies pour lutter contre le faux se multiplient sans pour autant parvenir à freiner les fabricants et les acheteurs.

 

De la route de la soie à la route de la contrefaçon

Au cours des six premiers mois de l’année 2024, près de 9 000 opérations de saisie de produits contrefaits ont été réalisées en Italie et 354 sites internet dédiés à la contrefaçon ont été bloqués. Sur les 28 millions de produits saisis sur la période par la Guardia Finanza, 43,4 % étaient des « jouets et jeux », 22,3 % des « accessoires vestimentaires » et 4 % des « équipements électriques et électroniques ». Milan et Naples se placent sur le podium des saisies d’articles de mode. La région de Toscane n’est pas en reste. Les usines de fabrication de Prato, à 20 km de Florence, rachetées par les Wenzhous, sont devenues le centre névralgique de la contrefaçon.

Les produits contrefaits peuvent être fabriqués à Prato, mais également provenir de Chine, du Vietnam, de Turquie et de Hong Kong. Ces solides réseaux se constituent notamment autour des ports. Dépassé par l’ampleur et l’accumulation des différents types de trafic exercé par les gangs chinois, le président de la Chambre de commerce de Prato déclare ainsi : « Nous les avons sous-estimés. Pour les contrôler, il faut un bataillon, une opération comme en Irak ».

Les labels ne suffisent pas à convaincre l’acheteur friand de contrefaçon. L’alliance à chaque échelle - locale, régionale, nationale, européenne et mondiale -, peine encore à s’accorder pour enrayer un phénomène qui ne cesse de se renforcer.

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